- ÉGLISE (architecture)
- ÉGLISE (architecture)Le même terme désigne, à la majuscule près, et les édifices destinés au culte du Christ et la communauté de ses disciples. Cette identité d’appellation traduit la relation symbolique selon laquelle l’église figure le corps mystique chez les chrétiens orthodoxes.L’assimilation, déjà admise au temps de saint Augustin, est consacrée par la liturgie. Elle inspire l’Exultet , célébration de la nuit pascale. L’illustrateur d’un manuscrit de ce chant, daté du XIe siècle (bibliothèque Barberini), représente l’Église sous les traits d’une femme couronnée, richement vêtue, recevant clercs et laïcs dans une basilique ; on a lieu de penser que ce thème iconographique remonte au VIIe siècle.L’église est la maison des fidèles et sa configuration doit permettre les cérémonies de la liturgie, mais aussi le recueillement de chacun. C’est également la maison de Dieu par sa consécration. Le cérémonial ancien exprimait la prise de possession de l’édifice par le Christ: sur le sol de l’église recouvert de sable fin, l’évêque inscrivait en diagonale deux alphabets grecs dans une sorte d’arpentage sacré évoquant la croix, l’alpha et l’oméga.Le rite actuel synthétise les deux aspects de l’église en l’assimilant au corps mystique et à la Nouvelle Jérusalem: l’onction des colonnes en fait les symboles des Apôtres, l’autel est l’image du Christ, tandis que le propre de la Dédicace reprend les passages de l’Apocalypse consacrés à l’apparition de la Cité céleste. Il convient à cet égard de noter que, selon la tradition orthodoxe, l’éternité bienheureuse commence au baptême. Dans cette perspective, l’église inaugure la création nouvelle sous le voile de la foi, ce qui explique la piété dont s’entourent la liturgie et les fidèles.Sous quelque aspect qu’on la considère, l’église apparaît liée au culte. Aussi celui-ci en détermine-t-il l’architecture et le décor. On admettra donc que la variété des liturgies, la diversité des destinations affectées aux édifices, la multiplicité des expressions de la symbolique, à quoi il faut ajouter les possibilités de la technique de construction, ont déterminé des partis très différents. Toutefois, la première architecture chrétienne procède de l’Antiquité qui lui offrait des modèles: le plan le plus fréquent reprend celui des basiliques; le plan central, généralement octogonal ou circulaire, est issu des mausolées impériaux; le nymphée des jardins de Lucien est à l’origine des plans polylobés; les sépultures syriennes du premier siècle étaient déjà cruciformes, tandis que celles du deuxième siècle inscrivaient ce dessin dans un rectangle. On peut cependant reconnaître une première manifestation d’originalité dans la préférence pour des types d’un emploi limité jusqu’alors, tel le plan cruciforme des tombeaux syriens. Mais c’est surtout dans l’aménagement du chevet et de l’entrée que l’architecture ecclésiastique a le plus innové.1. Le planLe plan basilicalLe plus ancien édifice cultuel chrétien que l’on ait identifié est une maison de Doura Europos, dite la «maison des chrétiens», antérieure à 256, mais rien n’indique sa destination liturgique sinon un ensemble de peintures attestant qu’une des salles a servi de baptistère. Aucun indice ne permet de reconnaître la salle affectée à la célébration des synaxes (assemblées des premiers chrétiens), ses dimensions exceptées.En Italie, la première cathédrale d’Aquilée, datant du début du IVe siècle, était constituée par trois salles oblongues que trois rangées de piles divisaient en quatre nefs. Cette disposition peut être considérée comme la manifestation naissante du plan basilical adopté très rapidement d’un bout à l’autre de l’Empire avec des variantes mineures dues aux traditions locales. Celui du premier Saint-Pierre à Rome (327-335) était déjà classique.D’un emploi très souple, le plan basilical avait été déjà celui d’édifices fort divers, en particulier de synagogues, antécédent qui inspirera l’architecture chrétienne. Les avantages du plan basilical ont assuré sa persistance jusqu’à nos jours et il a subsisté là même où d’autres partis s’imposèrent, par exemple le plan central dans le monde byzantin.Les synagogues étaient tournées vers Jérusalem, du côté de l’entrée pour les plus anciennes, ensuite du côté de l’abside. De même, l’orientation de l’église a été de règle depuis les premiers siècles jusqu’à la fin du Moyen Âge; la direction choisie fut celle du levant, selon la tradition qui voulait que le Christ apparaisse à ce point du ciel lors de son retour. Comme pour les synagogues, on hésitait sur la position relative de l’abside et de l’entrée. Dans les basiliques constantiniennes, l’entrée est à l’est comme dans les temples païens, solution fréquemment adoptée pendant deux siècles; puis, dans l’empire byzantin, l’entrée sera à l’ouest dès la fin du IVe siècle, solution qui prévaudra.La disposition intérieure des synagogues aboutit au groupement, sur une tribune placée à peu près au centre de l’édifice, de la chaire de Moïse destinée au docteur de la Loi, du banc des anciens et de l’ambon devant lequel le ministre récitait les prières. Plus près de l’abside, il y avait une arche contenant les rouleaux de la Loi; elle était cachée par un voile devant lequel brûlait le chandelier à sept branches. Dans certaines synagogues du IIIe siècle de notre ère, l’arche occupait l’abside, tandis que le docteur de la Loi, les anciens et le ministre se tenaient immédiatement en avant, face à l’assistance.On pense que l’aménagement des églises nestoriennes de Syrie, qui rappelle singulièrement celui des synagogues, perpétue celui des églises primitives. L’autel est dans l’abside, caché par un voile devant lequel brûlent sept lampes figurant les sept dons du Saint-Esprit; au centre, groupés sur une tribune, la chaire de l’évêque à l’occident et l’arche des Évangiles à l’orient (elle prend quelquefois la place de la chaire dans les petites églises); les séparant, deux ambons: l’un au sud pour l’Évangile, l’autre au nord pour les autres lectures; un chancel divise l’église en deux: les femmes au fond, derrière l’évêque, les hommes devant. Une entrée correspond à chacune de ces parties.L’organisation primitive des églises d’Occident n’apparaît pas à Rome en raison des modifications apportées ultérieurement aux édifices. Il faut la rechercher plutôt en Algérie et en Tunisie. Dans ces églises, qui ouvrent vers l’est, comme la cathédrale de Tipasa, le siège de l’évêque, devenu personnage officiel, ainsi que le banc des prêtres occupaient l’abside. L’autel se trouvait au centre de la nef. Entre celui-ci et la cathèdre, un chancel ménageait un espace oblong, la schola, ancêtre du chœur, destinée aux ministres de rang inférieur et qui comportait un ou deux ambons pour les lectures.C’est à Rome que l’on observe l’étape suivante. Au VIe siècle, la communion des fidèles se raréfiant, au point de disparaître de la messe papale jusqu’au règne de Jean XXIII, saint Grégoire déplaça l’autel de Saint-Pierre pour l’ériger sur le tombeau de l’apôtre, vraisemblablement en arrière de la colonnade qui séparait l’abside du reste de l’église. Peut-être une solution semblable avait-elle déjà été adoptée à la cathédrale d’Aquilée ; elle ne se généralisera pourtant qu’après plusieurs siècles.Les différentes parties de l’égliseLa nefL’Occident n’a guère innové dans l’organisation générale de la nef. Le nombre de vaisseaux peut varier. Dans les régions rurales, par économie, l’église n’a souvent qu’une nef. Mais l’architecture peut aussi imposer ce parti: la coupole sur pendentif permet de voûter de grands espaces carrés de telle sorte qu’un seul vaisseau suffit. Cette structure favorise la prédication, ce qui explique son succès, notamment à l’époque de la Contre-Réforme.On connaît des églises à deux nefs; celles à trois nefs sont plus fréquentes, les édifices majeurs en ayant cinq. Ce dernier cas était déjà celui de Saint-Pierre de Rome, mais cette disposition ne prendra tout son bon sens qu’au XIIe siècle, lorsque les doubles bas-côtés viendront compléter logiquement les doubles déambulatoires. On a élevé des églises à sept nefs, telle Sainte-Sophie de Kiev (1037-1046), et même certaines à neuf.Aujourd’hui, les plans basilicaux se caractérisent par la grande largeur des nefs, qu’autorisent les matériaux nouveaux, et la réduction des bas-côtés à de simples galeries de circulation.Byzance imagina une variante du plan basilical à plusieurs nefs permettant d’élargir considérablement le vaisseau central. C’est le type de Sainte-Sophie de Constantinople (532-537). Le noyau en est un carré couvert par une coupole contrebutée par deux demi-calottes auxquelles correspond un rétrécissement de la nef à ses extrémités. Ce dessin a l’avantage de permettre à la foule de se grouper autour de la tribune des célébrants. La participation des laïcs était d’autant mieux assurée que le clergé prenait place tout autour du vaisseau central.Le transept et le plan en croix libreCertaines basiliques païennes comportaient déjà une salle transversale, mais qui ne dépassait pas l’alignement des murs latéraux. Les raisons qui ont présidé à l’adoption d’une semblable disposition dès le début du IVe siècle pour la cathédrale d’Aquilée sont mal connues, et plus encore le développement du transept qui détermina la variante cruciforme du plan basilical. La première mention de ce type est la cathédrale de Milan élevée par saint Ambroise vers 380. Ce plan s’amplifia très rapidement, et de façon considérable, puisque les églises Saint-Jean d’Éphèse (première moitié du Ve siècle) et Saint-Siméon-le-Stylite (479-490) sont constituées par la combinaison de quatre basiliques toutes dotées de bas-côtés.Le chevetLa première innovation a consisté dans l’établissement, en Orient, de deux salles de part et d’autre du chevet, l’une servant de sacristie, l’autre de dépôt de reliques.Au VIIe siècle, les papes transférèrent à Rome les reliques des martyrs inhumés dans les catacombes. Bientôt, elles furent distribuées dans tout l’Occident. On plaça le sarcophage qui les contenait dans une crypte enfouie plus ou moins profondément sous l’autel. Avec le développement du culte des saints, la chambre devint une chapelle autour de laquelle il fallut prévoir une galerie de circulation.La multiplication des autels détermina divers aménagements du chevet. Le plus simple consistait à prolonger les nefs, là où il en existait plusieurs, d’une abside secondaire. Puis on éleva un certain nombre de chapelles de profondeur décroissante ouvrant sur le transept et terminées par une absidiole ou un mur plat. Cet aménagement comporte une variante propre aux églises à chevet plat où les chapelles ont les mêmes dimensions, disposition qui se rencontre fréquemment au Moyen Âge, en Angleterre, dans les premiers édifices cisterciens et même en Italie.Dans les autres cas, les chapelles ouvrent sur un déambulatoire. Le plus ancien, celui de Sainte-Agnès à Rome, date du IVe siècle, mais il ne comportait pas de chapelles. Au IXe siècle, celui de l’abbatiale de Corvey (Westphalie) en comptait trois, parallèles à l’axe de l’église, mais, dans la solution qui prévaudra, les chapelles rayonneront autour de l’abside. Quelquefois, elles ouvrent directement sur le chœur. Au XIIe siècle, le déambulatoire se dédoubla, maladroitement à Saint-Martin-des-Champs (Paris), mais de façon parfaite à Saint-Denis où les voûtes de la galerie extérieure couvrent aussi les chapelles rayonnantes. Simple ou double, il favorisait la circulation des foules, en particulier devant les reliques, dans les églises de pèlerinage. Enfin, on donne à la chapelle axiale, consacrée à la Vierge, une ampleur accrue. Au XIVe siècle, on ouvrira de nouvelles chapelles entre les contreforts de la nef ou des bas-côtés pour satisfaire les dévotions particulières.Les antéglises et la façade occidentaleDès le VIe siècle, une salle, le narthex, s’interpose entre le porche et la nef à Constantinople et en Grèce. Partout où elle existait, elle a surtout abrité les catéchumènes et certains pénitents autorisés à assister à la première partie de la messe. L’atrium, sorte de cloître, servait à des ablutions et à des rites funéraires (il prend le nom de paradisum dans le haut Moyen Âge). Les pénitents qui avaient commis les fautes les plus graves n’étaient pas autorisés à aller plus avant.À la fin du VIIIe siècle, le narthex se développe, en Occident, au point de devenir une antéglise, terme plus adéquat que celui d’église-porche sous lequel on a longtemps désigné ces constructions. Entre-temps le narthex avait reçu une destination funéraire qui l’associait à la résurrection selon la pensée chrétienne. C’est à l’abbatiale de Corvey que l’on peut observer le développement complet d’une antéglise. De plan carré, elle repose sur une «crypte» de niveau avec la nef et communiquant avec elle par l’intermédiaire d’un porche. Au-dessus s’élève une église entourée de bas-côtés et de tribunes, sauf à l’est où elle n’est séparée de la nef que par un mur ajouré. Enfin, au-dessus se dresse une grande tour à base carrée accompagnée de deux tourelles d’escalier encadrant un triple porche. Souvent, comme jadis à Saint-Riquier dans la Somme, l’antéglise était complétée par un transept comme il en subsiste à Hildesheim, de telle sorte que l’église et l’antéglise se présentaient comme deux massifs symétriques reliés par une nef.Les édifices placés à l’ouest de l’église étaient consacrés au Sauveur; ils servaient plus particulièrement à la célébration des fêtes de Pâques ou de l’Ascension, selon une liturgie qui comportait une importante participation des fidèles. La «crypte» de Saint-Riquier abritait une grande châsse, la capsa major , qui renfermait des reliques des différentes étapes de la vie du Christ. Cette salle était vraisemblablement assimilée au Saint-Sépulcre, d’autant que la liturgie de ce monastère suivait d’assez près celle de Jérusalem.L’évolution des antéglises s’est effectuée selon deux directions pour se fondre dans l’ensemble basilical. La «crypte» disparut à l’époque post-carolingienne comme on le voit à Verden en Rhénanie ou à Saint-Pantaléon de Cologne. Des constructions existantes furent même démolies, par exemple à Reims. Ces modifications s’expliquent par l’introduction d’une nouvelle liturgie où les fidèles n’avaient plus qu’un rôle passif; sur une tribune élevée, qui subsista au revers de la façade, un jeu liturgique évoquait la déposition au tombeau, la résurrection et la visite au tombeau vide.Avec la disparition de l’église haute, la tour occidentale n’eut plus sa raison d’être, mais les deux tourelles subsistèrent; elles se développèrent même pour aboutir à un type de façade fréquent jusqu’à un passé très récent. Quelquefois, la tour centrale, dont la base a été réduite, devient clocher comme à l’actuelle église de Saint-Riquier. Enfin, il ne faut pas oublier la façade d’Alberti pour Sainte-Marie-Nouvelle à Florence (peu après 1450), deux étages d’inégale largeur reliés par des volutes; combiné parfois avec un ou deux clochers, ce type de façade fut imité jusqu’au XVIIIe siècle. Pour Saint-François-de-la-Vigne à Venise (1562), Palladio agence une façade composée de deux frontons triangulaires d’inégale hauteur, le plus élevé correspondant au vaisseau central, l’autre, coupé en deux, aux bas-côtés. Mais, dans ce cas, il ne faut parler que de façade, puisque l’orientation ne fut plus de règle après le concile de Trente.L’antéglise s’intègre aussi aux édifices à deux absides opposées qui ont connu une grande faveur en Allemagne. Cette disposition subit l’influence des basiliques romaines associée aux traditions locales. Le prototype en était la seconde abbatiale de Fulda, construite à la fin du VIIIe siècle, qui comportait un transept très débordant à l’ouest. À Saint-Gall, dans la première moitié du IXe siècle, il était à l’est. La synthèse s’est effectuée à la collégiale d’Essen dont les parties les plus anciennes datent du milieu du XIe siècle.Le plan centralLa rotonde du Saint-Sépulcre et l’octogone de l’Ascension étaient à Jérusalem les prototypes de ce plan. Il convient parfaitement aux églises destinées aux restes des martyrs. Quatre bras s’ajoutent quelquefois au noyau central.Tous les martyria ne sont cependant pas conçus selon un tel plan. Celui-ci perd son emploi au VIe siècle sans disparaître pour autant. Le pèlerinage à Jérusalem a suscité de nombreuses répliques du Saint-Sépulcre, en particulier la chapelle palatine d’Aix. Toutefois, le Moyen Âge ayant une conception de l’imitation très différente de la nôtre, car il retenait plus des nombres que des formes, les copies sont parfois fort éloignées du modèle selon nos critères. Les antéglises sont à classer parmi ces copies.Les plans polylobés, en particulier ceux à trois ou quatre lobes de l’Arménie, furent très prisés à Byzance avant de passer en Occident, de même que les édifices en croix grecque, telle l’église de la Théotokos à Constantinople (908). Ces plans permettaient de loger le chœur, séparé en deux, dans les absides ou les branches nord et sud, ce qui facilitait la participation des fidèles aux offices. Au stade suivant, la croix fut inscrite dans un rectangle par l’adjonction d’un compartiment entre les branches de la croix afin de contrebuter la poussée de la coupole. Finalement, une simple galerie fit le tour du carré central, sauf à l’est.C’est en Italie, à la Renaissance, que le plan central a connu la plus grande faveur en Occident car les architectes y voyaient la synthèse de l’Antiquité tant chrétienne que païenne. Mais le concile de Trente ne retenant que cette dernière parenté proscrivit les églises circulaires. L’interdit ne touchait cependant pas le plan en croix grecque, celui de Saint-Pierre de Rome de Bramante (1506).Les plans centraux connaissent un regain de faveur au XXe siècle. Le triangle a inspiré un type de plan inédit, mais, à cette exception près, les nouvelles formules résident plus dans le traitement de l’espace que dans la conception de l’édifice.Les églises à plan central peuvent aussi comporter un narthex, tel Saint-Vital de Ravenne. Enfin, par suite de l’adjonction, au VIIe siècle, de trois chapelles au Saint-Sépulcre, certaines des églises qu’il a inspirées au Moyen Âge comportent une disposition semblable.2. L’élévation et l’aménagement intérieurL’élévation des églises a aussi des antécédents, puisque les basiliques païennes du mouseion d’Éphèse et de l’agora de Smyrne comportaient des tribunes. Le martyrium du Saint-Sépulcre en fut doté dès la fin du IVe siècle, puis les principales églises de Constantinople et de Grèce. Les tribunes n’apparurent en Lombardie que dans la première moitié du VIe siècle, et à Rome vers la fin du même siècle.La fonction des tribunes est très variable. À Jérusalem, à Constantinople, tout comme à la chapelle palatine d’Aix, elles permettaient à l’empereur et aux dignitaires d’assister aux cérémonies sans se mêler à la foule; les tribunes de la chapelle de Versailles jouent le même rôle. En Grèce, elles étaient destinées aux femmes, d’où leur nom de gynécée. Et on a vu qu’après la suppression des antéglises hautes la tribune occidentale servait de scène pour la représentation des jeux liturgiques. Dans les constructions romanes, les tribunes permettaient à un plus grand nombre de fidèles d’assister aux grandes fêtes. Elles subsistèrent d’ailleurs en Occident jusque vers 1200, avec une exception importante, celle de Saint-Denis de Suger, mais l’invention de l’arc-boutant, jointe aux impératifs de lumière à l’époque où le vitrail prenait une importante croissante, entraîna leur disparition. Le retour à un système de construction proche du roman, lors de la Renaissance, puis les pastiches du XIXe siècle les firent réapparaître.En Orient comme en Occident, la liturgie devint l’apanage des clercs entre le VIe et le Xe siècle. Cette évolution, qui était imputable à l’attiédissement de la foi des fidèles et à la complication des rites, entraîna diverses modifications. C’est ainsi que, dans l’agencement intérieur des églises, Byzance adopta l’usage romain qui place l’évêque dans l’abside orientale. Des images firent leur apparition sur la pergola qui portait les voiles de l’autel. Mobiles à l’origine, elles devinrent fixes pour constituer l’iconostase qui ferme le chœur des églises orientales.Dans les églises importantes d’Occident, un jubé, où l’on chantait l’épître et l’évangile lors des grandes fêtes pour qu’ils soient entendus de toute l’assistance, barrait l’entrée du chœur. À Rome, les principales basiliques étant desservies par des moines à partir du VIe siècle, la règle de la clôture monastique fut imitée par les chanoines et aboutit à la fermeture du chœur dans les cathédrales. Cet usage tomba en désuétude à partir de la Contre-Réforme, et dans les églises l’autel fut à nouveau visible, mais les clôtures posées antérieurement ne disparurent qu’au XVIIIe siècle, en même temps que les jubés. Toutefois, la chaire installée dans la nef pour la répétition des lectures en langue vulgaire et pour le prône subsista jusqu’à une date récente.Les aménagements récents d’édifices anciens entraînent généralement la suppression de toute séparation entre la nef et le chœur pour créer un espace unique. On le fait dans la mesure du possible dans les vieilles églises et systématiquement dans les nouvelles.3. La symbolique de l’église«La beauté est un pressentiment du Ciel», pensait saint Odon de Cluny. La formule prend une résonance particulière quand elle s’applique à un édifice qui le figure. Le décor avait pour fonction de rendre sensible cette conception. Les couleurs employées avaient une signification inspirée le plus souvent du sens commun: le bleu désignait le ciel, l’or (assimilé au rouge) le martyre et la gloire. Les formes architecturales avaient aussi leur symbolique.Et d’abord, celle de la croix. Saint Ambroise disait à propos de sa cathédrale: «Le temple est la figure de la croix [...] L’image triomphale marque le terrain.» Avec la Contre-Réforme, les plans d’églises affirment l’emblème chrétien selon les recommandations du concile de Trente. Sans doute ce dessin ne fut pas le seul retenu; il n’avait en fait jamais été imposé, et il a existé d’autres formes symboliques. C’est ainsi que le plan octogonal illustre le nombre de l’éternité (sept, celui du temps, plus un). Le cercle est aussi une image de Dieu. La faveur du plan en croix grecque s’explique par la synthèse qui s’y opère du cercle et de la croix. Au XXe siècle, l’église de Fontaine-les-Grès (Aube) dessine un triangle équilatéral, symbole de la Trinité. L’étude de la liturgie carolingienne a fait apparaître des groupements de trois églises, comme à Saint-Riquier où un sanctuaire dédié à la Vierge était associé à deux autres; l’église de la Grande L vra, au mont Athos (fin Xe siècle-début XIe siècle) est triple.Telle partie de l’église peut avoir une signification symbolique: le cul-de-four des édifices romans où le Christ apparaît en gloire désigne le Ciel, de même que la calotte des coupoles; le fait est patent dans le monde byzantin (les treize coupoles de Kiev représentaient le Christ et les Apôtres), mais il l’est autant à la Renaissance. En Orient, l’église entière exprime un symbolisme cosmique.L’élévation aussi peut être symbolique: on a vu une évocation de la Trinité dans les trois étages des trois tours de Saint-Riquier. Les points cardinaux ont également une signification: le nord, froid, est attribué à l’Ancien Testament, le sud, au Nouveau Testament, l’ouest, ou couchant, à la fin des temps, c’est-à-dire au Jugement dernier et à la résurrection des morts. Sans contredire le sens de cette localisation, des recherches récentes interprètent l’iconographie à la lumière de l’identification de l’église à la Jérusalem céleste et de la liturgie qui actualise l’événement sacré. Dans cette perspective, le Jugement s’accomplit aujourd’hui et sépare les justes, fidèles à la grâce, des injustes. On observera que cette scène occupe le tympan de l’accès principal, parfois unique, des églises, et que cette vie nouvelle n’est autre que l’entrée dans l’Église. La Résurrection et l’Ascension du Christ qui ont ouvert aux justes la vie céleste étaient représentées sur les vantaux du portail de Saint-Denis.Les tendances actuelles de l’architecture religieuse ne sont pas axées sur un symbolisme très précis. On constate plutôt le souci d’évoquer le surnaturel par les moyens propres de l’art. En ce sens on pratiquerait plutôt un symbolisme diffus, qui n’a de sens que dans la mesure où la foi et la liturgie le précisent.
Encyclopédie Universelle. 2012.